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Asthme, BPCO et autres maladies respiratoires chroniques… Quelle prévention vaccinale des infections ?

En résumé : Toute infection chez une personne souffrant d’une maladie respiratoire obstructive peut aggraver une situation précaire du point de vue respiratoire et conduire à l’hospitalisation. Les infections bactériennes (Streptococcus pneumoniae ou pneumocoque, Haemophilus influenzae non typable, Pseudomonas aeruginosa, etc.) ou virales (entérovirus, rhinovirus, adénovirus, virus respiratoire syncytial, virus grippaux influenza…) sont une cause fréquente d’exacerbations, dans l’asthme comme dans la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive).
Mais la maladie BPCO confère à elle seule un surrisque de pneumopathies bactériennes à pneumocoques et ce risque intrinsèque s’ajoute à d’autres, tels un âge avancé, un diabète ou encore une corticothérapie, y compris inhalée. Les patients BPCO sont donc plus à risque de développer une infection respiratoire que la population générale. Chez eux, la prévention par la vaccination ne se discute pas. Pourtant, la couverture vaccinale reste largement insuffisante.

Interview du Dr Elodie Blanchard, pneumologue (Service des maladies respiratoires, CHU de Bordeaux)

SRF : Pourquoi les insuffisants respiratoires sont-ils plus à risque que la population générale de développer certaines infections, et lesquelles ?

Dr Elodie Blanchard, pneumologue au CHU de Bordeaux

Dr E. Blanchard : Les études épidémiologiques, c’est-à-dire conduites à l’échelle de la population, ont montré une prévalence des infections, en particulier à pneumocoques, plus élevée chez les malades respiratoires chroniques. La bactérie Streptococcus pneumoniae (le pneumocoque) est un important agent pathogène chez l’Homme. Souffrir d’une pathologie respiratoire chronique confère un surrisque d’infections invasives à pneumocoques, au même titre que le fait d’avoir un cancer ou une infection par le VIH.

L’incidence des infections invasives à pneumocoque est multiplié par plus de 6 chez les patients atteints de pathologie respiratoire chronique et plus de 20 en cas de cancer broncho-pulmonaire (1). Les explications physiopathologiques de ce surrisque sont diverses, comme une altération de la clairance mucociliaire (l’action combinée du mucus et des cils de la muqueuse respiratoire pour éliminer les particules étrangères, y compris les pathogènes), le fait de fumer (facteur de risque de pneumopathies) mais aussi d’être sous corticoïdes, y compris certains inhalés. Ceci alors même que la corticothérapie inhalée est un traitement efficace chez les patients souffrant de BPCO et présentant des exacerbations fréquentes.

La grippe est une cause fréquente d’exacerbations d’asthme ou de BPCO. Le fait d’être atteint d’une maladie respiratoire chronique confère un risque d’hospitalisation pour grippe grave également plus important.

Enfin, le zona est une infection virale fréquente (235 000 cas/an), responsable d’une éruption cutanée vésiculeuse et de douleurs persistantes parfois très invalidantes. L’incidence augmente de façon importante après 60 ans, tranche d’âge concernant la plupart des pathologies respiratoires chroniques.

Quels patients chroniques respiratoires sont particulièrement vulnérables ?

Les patients souffrant de BPCO cumulent souvent les facteurs de risque de maladies invasives à pneumocoque : l’âge plus élevé, parfois la corticothérapie inhalée, les comorbidités souvent associées telles que le diabète ou l’insuffisance cardiaque, qui les fragilisent.

Si le syndrome des apnées obstructives du sommeil (SAOS) ne constitue pas en lui-même un surrisque d’infection, celui-ci est plutôt dû aux comorbidités telles que la BPCO ou l’obésité. Par exemple, un patient obèse suivi pour SAOS sera à risque de grippe grave, surtout à cause de son obésité. L’obésité seule est d’ailleurs une indication de la vaccination grippale.

Quant aux patients ayant des dilatations de bronches, d’origine diverse, ils sont à risque d’exacerbation de leur maladie par le pneumocoque. C’est le cas également de patients souffrant d’hypertension artérielle pulmonaire, de cancer pulmonaire ou de fibrose pulmonaire.  

Enfin, tout patient traité par des médicaments dits immunosuppresseurs (dont les corticoïdes) sont plus à risque d’infections. Chez ces patients, toute infection pourra être plus sévère que dans la population générale. En effet, les immunosuppresseurs, comme leur nom l’indique,   modifient la réponse immunitaire normale et exposent à un risque plus important d’infections.  

Chez les insuffisants respiratoires, les conséquences sur la santé associées aux infections sont-elles réellement plus importantes ?

Nous ne disposons pas de données sur la mortalité prématurée suite aux infections chez les insuffisants respiratoires. Les exacerbations sont très souvent  liées à des infections, bactériennes ou virales, aux premier rang desquelles figurent le pneumocoque et la grippe. L’infection grippale chez un patient atteint d’une pathologie respiratoire chronique requiert une hospitalisation pour 2,9 à 20 % des patients, et le taux de mortalité parmi les hospitalisés s’élève à 12 % (2). Un chiffre anormalement élevé dans la mesure où une partie serait évitable grâce à la vaccination.

Quelles sont les vaccinations indispensables chez tous les patients atteints d’une pathologie pulmonaire chronique (asthme, BPCO, cancer…) ?

Tous les patients suivis pour pathologies respiratoires chroniques telles que la BPCO, un asthme sous traitement continu, une dilatation des bronches, un cancer, une maladie interstitielle sous immunosuppresseurs, antifibrosants ou même en surveillance, une hypertension pulmonaire, une transplantation pulmonaire, doivent se voir proposer, et ce quels que soient leur âge mais aussi le degré de gravité de la maladie :

  • La vaccination grippale chaque année au moyen du vaccin inactivé tétravalent (2 souches de grippe A et 2 souches de grippe B). La vaccination de l’entourage (proches et soignants) est très importante car elle constitue une vraie protection pour le patient.  
  • La vaccination pneumocoque, car elle permet de réduire le nombre d’infections invasives à pneumocoque de sérotypes vaccinaux. Le schéma vaccinal est en deux temps. La première injection est réalisée avec un vaccin conjugué (Prevenar 13®), c’est-à-dire qu’il est combiné à une protéine, ce qui booste la réponse immunitaire au vaccin. La limite est qu’il ne couvre que 13 sérotypes de pneumocoques. La seconde injection est réalisée au moyen d’un vaccin non conjugué (PneumoVax®), dans un délai minimal de huit semaines après le précédent afin de renforcer la couverture vaccinale sérotypique, car ce vaccin couvre 23 sérotypes. Il a cependant l’inconvénient d’une réponse immunitaire moins robuste. Une revaccination par le PneumoVax® doit être proposée à 5 ans.

Du fait de la vaccination de la population, la bactérie s’adapte et les sérotypes de pneumocoques évoluent, ce qui entraîne l’apparition de nouveaux sérotypes non contenus dans les vaccins actuels. C’est pourquoi un nouveau vaccin conjugué (Prevenar 20®) sera  bientôt mis sur le marché en réponse à cette écologie changeante des infections invasives à pneumocoque.

Les autres vaccins qui doivent être à jour chez les personnes insuffisantes respiratoires sont inclus dans le calendrier vaccinal de la population générale. Certains rappels peuvent concerner les personnes BPCO, non pas du fait de leur maladie, mais de leur âge. Les personnes en contact avec les jeunes enfants, comme les grands-parents, doivent effectuer un rappel contre la coqueluche, afin de ne pas transmettre la bactérie Bordetella pertussis aux nourrissons, trop jeunes pour être vaccinés eux-mêmes. Si l’insuffisance respiratoire n’est pas en soit un critère de vaccination contre la coqueluche, elle peut néanmoins être utile. Le vaccin anticoquelucheux n’existe pas seul, mais couplé au vaccin diphtérie-tétanos-poliomyélite.

Le vaccin contre le zona est intéressant chez les personnes insuffisantes respiratoires. Il réactive une immunité déjà acquise lors d’une varicelle (varicella-zoster virus/VZV). L’incidence du zona augmente avec l’âge ainsi qu’avec l’existence d’une immunosuppression telle qu’une chimiothérapie ou une transplantation pulmonaire. En effet, à l’occasion d’une baisse des défenses immunitaires, le VZV peut se réactiver sous forme d’une éruption cutanée douloureuse, avec des formes graves chez l’immunodéprimé. Les « douleurs post-zostériennes » ont un impact considérable sur la qualité de vie. Mais attention, le vaccin actuellement disponible (Zostavax®) est un vaccin « vivant » et ne doit pas être administré en cas d’immunodépression. Il faudra donc le proposer avant de débuter une chimiothérapie ou un traitement immunosuppresseur. Un vaccin inactivé (Shingrix®) devrait être prochainement disponible. Actuellement le vaccin zona est indiqué dès 50 ans chez ceux ayant contracté la varicelle, et remboursé entre 65 et 74 ans.

En ce qui concerne le vaccin contre l’infection à Haemophilus influenzae, il n’a aucun intérêt chez les patients insuffisants respiratoires (asthme, BPCO) car les exacerbations et infections des voies aériennes inférieures sont liées à un autre type de bactérie Haemophilus que celui contenu dans le vaccin.

Le fait d’avoir une bronchite ou de présenter une exacerbation n’est pas une contre-indication à la vaccination. Au contraire, la consultation ou l’hospitalisation pour ce motif est une occasion à ne pas manquer pour mettre à jour la vaccination.

Pourquoi chez les insuffisants respiratoires, pourtant bien plus exposés que la population générale, la couverture vaccinale est-elle toujours aussi faible ?

Selon les enquêtes, la couverture vaccinale des personnes insuffisantes respiratoires contre le  pneumocoque se situe aux alentours de 20 % (20-40 % chez les patients BPCO) et 30 % contre la grippe (3-5). C’est largement insuffisant, alors que l’objectif serait de couvrir au minimum 70 % des malades.

Pourquoi aussi peu de motivation ? Certaines personnes informées ne souhaitent pas se faire vacciner, pour diverses raisons dont la défiance envers la vaccination, ou le manque d’information et d’échange avec les médecins, généralistes ou spécialistes. Mais souvent, la vaccination n’est pas proposée par le professionnel de santé. Les raisons invoquées sont une méconnaissance des recommandations en constante évolution, et le fait qu’il préfère déléguer cette tâche au médecin généraliste. Il y a aussi peut-être une sous-estimation par le médecin (généraliste, pneumologue en particulier) des infections à prévention vaccinale dans cette population spécifique d’insuffisants respiratoires.

Le GREPI (Groupe pour la Recherche et l’Enseignement en Pneumo-Infectiologie de la Société Française de Pneumologie) publie en collaboration avec la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et la Société française de microbiologie (SFM) un « Guide pratique de la vaccination en pneumologie » destiné aux pneumologues, accessible sur le site de la SPLF et prochainement publié dans la Revue des Maladies Respiratoires.

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Revisionnez le replay de notre web-conférence dédiée à la vaccination (21 avril 2021)

BPCO, la vaccination antigrippale tout bénéfice

Des données nouvelles présentées au dernier congrès européen de pneumologie (ERS 2019) confirment les effets délétères de la grippe sur un terrain de BPCO. Source de complications respiratoires majeures dans la BPCO, par la pneumonie virale (ou bactérienne dans un second temps), elle favorise également la surinfection causée par un champignon du genre Aspergillus. Des études récentes ont aussi confirmé qu’elle majore le risque de survenue d’un syndrome coronarien aigu (SCA).Le rapport GOLD 2019 sur le vaccin antigrippal chez les patients atteints de BPCO stable souligne la réduction des décès et des exacerbations conduisant à l’hospitalisation grâce à la vaccination, et son impact bénéfique sur le risque de SCA ou d’aggravation d’une insuffisance cardiaque. La réponse vaccinale n’est pas modifiée par l’existence d’une BPCO ni par la prise de corticoïdes, mais elle est altérée par l’âge, la dénutrition ainsi que la prise d’antibiotiques le mois précédant, via l’altération du microbiote intestinal. Les essais menés avec un vaccin « à haute dose » (dose multipliée par 4), montrent qu’il serait plus efficace que le vaccin standard passé l’âge de 65 ans. Il est déjà disponible aux USA et attendu en France.

Hélène Joubert, journaliste

Références :
 (1) Kyaw MH. Et al. J infec Dis 2005 ; 192 (3) : 377-86 
 (2) Wilkinson TMA. Et al. Thorax 2017 ; 72 (10) : 919-27 
 (3) Rouveix E. et al.  Rev Med Interne 2013 ; 34 (12) :730-4 
 (4) Rouveix E. et al. Med Mal Infect 201 ; 43(1) : 22-7 
 (5) Reherison C. et al. BMC PLUM mD 2018. 1851°/ 117 

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